Un Néo-Brunswickois condamné à tort meurt d'un cancer


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Par La Presse Canadienne, 2025
SAINT-JEAN — Robert Mailman a passé plus de la moitié de sa vie sous le poids d'une condamnation injustifiée pour meurtre.
Jeudi, moins de deux ans après avoir été acquitté du crime, ce Néo-Brunswickois est décédé d'un cancer du foie. Il avait 77 ans.
Le 11 mai 1984, Robert Mailman et Walter Gillespie, une connaissance d'enfance, ont été reconnus coupables du meurtre de George Gilman Leeman, battu à mort en 1983 à Saint-Jean. Son corps avait été aspergé d'essence et incendié à Rockwood Park, selon le tribunal.
Malgré de solides alibis, les deux accusés ont été reconnus coupables de meurtre au deuxième degré et condamnés à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 18 ans. M. Mailman a purgé 18 ans. M. Gillespie est resté derrière les barreaux pendant 21 ans. Les deux hommes ont fermement nié toute implication dans le crime.
Avec l'aide du groupe de défense Innocence Canada, les deux hommes ont déposé une demande de révision de leur condamnation pénale fédérale en décembre 2019.
Leur demande d'appel a été rejetée par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick. Et la Cour suprême du Canada a refusé de leur accorder l'autorisation d'interjeter appel quelques années plus tard.
Alors que leur odyssée judiciaire s'éternisait, la santé de Robert Mailman a connu un tournant dramatique en novembre 2023 après qu'il s'est évanoui alors qu'il faisait de l'exercice dans son appartement de Saint-Jean. Des examens ont confirmé qu'il souffrait d'un cancer du foie en phase terminale. On lui donnait trois mois à vivre.
«J'ai dû l'accepter, a-t-il dit en entrevue. Il n'y a pas de porte de sortie. Je vais mourir. Point final.»
Le mois suivant, le ministre fédéral de la Justice de l'époque, Arif Virani, a ordonné un nouveau procès pour les deux hommes, affirmant qu'aucune information nouvelle et significative n'avait été soumise aux tribunaux.
«Le plus grand malheur de ma vie»
Walter Gillespie est décédé en avril 2024 à l'âge de 80 ans, deux mois après l'annonce d'un règlement d'indemnisation. La cause de son décès n'a pas été divulguée.
Né le 14 mars 1948 à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, Robert Mailman était l'aîné d'une famille qui allait compter 15 frères et sœurs.
En prison, il passait son temps à occuper divers emplois au gymnase, à la bibliothèque et comme agent d'entretien. Il suivait également un programme d'exercices rigoureux. Il disait adorer courir, surtout sous la pluie.
«Un jour, quelqu'un m'a demandé: 'Pourquoi aimes-tu faire du jogging sous la pluie ?', se souvient-il. La réponse: parce que personne ne te voit pleurer.»
Il a un jour décrit le poids d'une condamnation injuste pour meurtre comme «le plus grand malheur de ma vie».
James Lockyer, directeur fondateur d'Innocence Canada, a déclaré que M. Mailman avait sollicité l'aide de l'organisation au début des années 1990.
M. Lockyer l'a décrit comme «le plus loquace des deux». Cet avocat de longue date a félicité Walter Gillespie pour sa loyauté indéfectible envers son ami. M. Gillespie avait affirmé qu'il aurait pu éviter une longue peine de prison en signant de faux aveux impliquant M. Mailman dans le meurtre, a noté James Lockyer.
«Et il a tout simplement refusé de le faire, car aucun des deux n'avait quoi que ce soit à voir avec le crime, a ajouté M. Lockyer. À eux deux, ils formaient un duo extraordinaire, et je pense qu'ils ont eu un impact sur le système judiciaire du Nouveau-Brunswick.»
Le 4 janvier 2024, la Couronne a décidé de ne présenter aucune preuve lors du nouveau procès. Par conséquent, la juge en chef Tracey DeWare, de la Cour du Banc du Roi du Nouveau-Brunswick, a acquitté les deux hommes des accusations et les a déclarés innocents aux yeux de la loi.
Mme DeWare a présenté ses excuses pour cette «erreur judiciaire».
Dans un mémoire au tribunal, Innocence Canada a souligné une série de lacunes dans la poursuite des deux hommes. Parmi celles-ci, on compte la rétractation de témoignages de témoins clés, la non-divulgation de preuves à la défense, des preuves médico-légales de qualité inférieure et le non-respect des alibis des hommes.
M. Mailman a dit avoir demandé à son médecin de le maintenir en vie suffisamment longtemps pour assister à l'audience.
«Ils ont vraiment tout donné pour m'aider et je leur en suis très reconnaissant», a-t-il expliqué, tout en se relaxant dans son appartement, entouré de photos encadrées de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.
En février dernier, Innocence Canada a annoncé que les deux hommes avaient conclu une entente «satisfaisante» avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, dont les détails ne seraient pas divulgués, condition de l'accord.
Avant la conclusion de l'entente, M. Mailman avait indiqué qu'aucune somme d'argent ne permettrait de rattraper le temps perdu, ajoutant que ses deux fils étaient décédés pendant son incarcération.
«Je ne pourrai jamais les récupérer (…) Ma plus grande perte, ce sont mes fils.»
Sa santé a continué de décliner et, en janvier de cette année, il a indiqué peser moins de 45 kilos, contre 72 kilos habituellement.
«Je m'affaiblis, a-t-il dit à l'époque. Je le sens. Ce que je pouvais faire il y a trois semaines (…) je ne peux plus le faire maintenant.»
Mais sa détermination ne montrait aucun signe de faiblesse.
«Je peux m'asseoir dans un coin, bouder et m'apitoyer sur mon sort, ou simplement persévérer. Je vais persévérer jusqu'à ce que je n'en puisse plus.»
Hina Alam, La Presse Canadienne