Un rapport met en doute le potentiel économique de GNL Québec


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Ressusciter le projet GNL Québec serait une «fausse solution» coûteuse pour les contribuables avec «des fondements économiques incertains», selon Investisseurs pour l’accord de Paris.
Au-delà du débat environnemental, le projet de gazoduc et de terminal méthanier à Saguenay pour exporter du gaz naturel albertain devrait affronter plusieurs vents contraires s’il était relancé après un premier refus de Québec en 2021 et du fédéral en 2022, selon un rapport publié jeudi par l’association d’investisseurs activistes plus connue pour sa surveillance des engagements climatiques des sociétés canadiennes cotées en Bourse.
«Le fait d'investir dans une infrastructure qui va se faire à très haut coût et qui ne sera probablement pas rentable, ça va affaiblir notre économie plutôt que de la renforcer», a affirmé le conseiller sénior pour Investisseurs pour l’accord de Paris, Renaud Gignac, en entrevue.
La demande pour le gaz naturel liquéfié a baissé de 18% en Europe de 2022 à 2024. L’Union européenne a développé les énergies renouvelables pour réduire sa dépendance au gaz russe dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine. «C’est une tendance qui devrait se poursuivre à la baisse», a avancé M. Gignac.
Le marché asiatique, pour sa part, est plus difficile d’accès à un prix concurrentiel pour l’industrie canadienne, toujours selon le rapport.
Au même moment, la production de gaz est également appelée à croître de 40 % de 2024 à 2028, sous l’impulsion de projets aux États-Unis et au Qatar.
«C’est majeur, a insisté l’économiste, et la prévision de la demande ne suit pas ce rythme d'augmentation. Ce que ça veut dire, c'est que la rentabilité de tout nouveau projet est compromise parce qu'on risque de voir une pression à la baisse sur les prix.»
L’inflation des coûts de construction pourrait également faire gonfler la facture du projet à plus de 33 milliards $, estime le rapport. L’argent public serait vraisemblablement nécessaire pour financer une partie du projet.
«Ce sont des investissements considérables qui mobilisent des capitaux publics et de la main-d'œuvre aussi, a souligné l’économiste. Quand on oriente des ressources dans ce genre de projet là, on fait des choix et on pense qu'il y a des choix qui pourraient être plus rentables à long terme, autant pour les investisseurs publics que privés.»
Une réponse à Trump
Les menaces économiques du président américain, Donald Trump, ont ravivé le débat public sur la pertinence d’oléoduc et gazoduc transcanadien afin de désenclaver le pétrole et le gaz albertain et ainsi réduire la dépendance du secteur énergétique canadien envers le marché américain.
Plusieurs voix dans le milieu politique et économique ont ouvert la porte à une réévaluation de projets de pipelines, notamment le premier ministre du Canada, Mark Carney, et le premier ministre du Québec, François Legault.
Pour sa part, M. Gignac juge que la relance de ce genre de projet est «une fausse solution» pour rendre l’économie canadienne plus résiliente.
Investisseurs pour l’accord de Paris propose trois autres solutions de rechange pour stimuler l’économie tout en assurant la transition énergétique.
L’association plaide en faveur d’une meilleure intégration entre les réseaux électriques des provinces, ce qui permettrait de développer une solution de rechange aux exportations vers les États-Unis.
Le rapport identifie également le projet de train grande vitesse qui relie les villes de Québec, Montréal et Toronto comme un projet prometteur.
Favorables aux minéraux critiques
Le rapport pointe vers le développement de projets miniers dans le secteur des minéraux critiques, nécessaire pour la conception des batteries des voitures électriques, notamment.
L’association se porte ainsi en porte-à-faux avec certains environnementalistes qui sont peu favorables à l’industrie minière.
«C'est sûr que l'exploitation minière ne se fait pas sans impact environnemental, a reconnu M. Gignac. Donc, il va falloir regarder aussi les façons les plus responsables d'extraire ces minéraux et de les acheminer au marché.»
Les minéraux sont toutefois «essentiels» pour l’électrification des transports, a-t-il ajouté. «On va avoir besoin de minéraux critiques ici et ailleurs pour faire la transition énergétique.»
Le rapport n’aborde pas la question d’une potentielle relance d’un projet d’oléoduc comme Énergie Est, abandonné par TransCanada en 2017, car le marché du pétrole est différent et nécessitait une analyse différente, a expliqué M. Gignac. Il croit que les conclusions d’une telle analyse seraient toutefois similaires. «Il y a une prévision de pic de demande de façon imminente», a-t-il avancé.
Stéphane Rolland, La Presse Canadienne