Une équipe montréalaise perce en partie le mystère de l'orientation du cerveau


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Les travaux de chercheurs montréalais mènent à une nouvelle compréhension de troubles comme la maladie d'Alzheimer en permettant de mieux comprendre comment le cerveau s'oriente dans l'espace.
Les scientifiques de l'Institut-hôpital neurologique de Montréal ont ainsi démontré que, du moins chez les souris, les objets visuels activent de manière préférentielle le système de navigation spatiale du cerveau.
Encore plus précisément, dans une zone appelée postsubiculum (le système de boussole interne du cerveau), les objets visuels affinent la capacité du cerveau à savoir où se trouve l'animal dans le monde.
«On ne résout pas tout le mystère, mais on apporte une réponse qu'on trouve très intéressante», a dit un des auteurs de l'étude, le professeur Adrien Peyrache.
Cette découverte permet de mieux comprendre pourquoi les personnes atteintes de troubles neurodégénératifs comme la démence et la maladie d'Alzheimer perdent souvent la notion de l'endroit où elles se trouvent.
Cette perte d'orientation compte souvent parmi les premiers symptômes de la maladie. Une étude publiée récemment par des chercheurs de l'université britannique d'Oxford a d'ailleurs révélé que l'accumulation de la protéine tau, une caractéristique bien connue de l'alzheimer, se produit d'abord dans le postsubiculum.
La nouvelle étude, a dit M. Peyrache, lève une partie du voile qui entoure deux énigmes: quels neurones, dans quelle région du cerveau, permettent d'identifier un objet (de savoir qu'un arbre est un arbre, par exemple), et comment la vision permet de s'orienter dans l'espace.
Les chercheurs ont été surpris de constater que la structure du cerveau qui s'active lorsque vient le temps d'identifier un objet ne se trouve pas dans le système visuel, mais plutôt dans le système qui, règle générale, est associé à la navigation spatiale, et que cela concerne encore plus précisément des structures qui permettent de s'orienter dans l'espace.
Des expériences réalisées avec des souris au laboratoire que dirige M. Peyrache au Neuro, et inspirées par les travaux de son collègue Stuart Trenholm, ont ainsi révélé que l'activité des neurones de la «boussole» augmente quand l'animal voit un objet.
«Tout d'un coup, le système a beaucoup plus confiance dans son orientation, a ajouté M. Peyrache. Il a beaucoup plus confiance dans ce qu'il est en train de transmettre aux autres structures du cerveau, en leur disant, 'voilà, maintenant je suis vraiment certain que la tête pointe vers le nord'.»
Tout cela est très logique d'un point de vue évolutif, puisque le cerveau a appris à utiliser des objets comme la lune, le soleil, un arbre ou un rocher pour s'orienter, a-t-il souligné.
Les premiers symptômes d'une maladie comme l'alzheimer, a rappelé M. Peyrache, sont souvent l'incapacité soudaine de l'individu à rentrer chez lui.
«La personne n'arrive plus à faire du sens du monde autour d'elle, a-t-il dit. Elle n'arrive plus à faire le lien entre le monde extérieur qu'elle voit et l'endroit où elle pense être dans sa tête. La boussole commence à être désorientée et n'arrive plus à intégrer l'information visuelle pour en faire une information spatiale.»
Les éventuelles applications thérapeutiques de cette découverte restent à déterminer, a conclu M. Peyrache, mais on pourrait par exemple envisager le développement de protocoles menant à un diagnostic encore plus hâtif de la maladie, ce qui améliorerait d'autant le pronostic du patient.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par la prestigieuse revue Science.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne