Une étude démontre les bienfaits de l'activité physique après un cancer colorectal


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Un programme structuré d'activité physique améliore considérablement la survie des patients qui ont été opérés et soignés en chimiothérapie pour un cancer colorectal, démontre une nouvelle étude pilotée par des chercheurs canadiens et publiée par le prestigieux New England Journal of Medicine.
Cet essai clinique financé par la Société canadienne du cancer (SCC) serait le premier au monde à utiliser l’exercice structuré pour augmenter la survie au cancer.
Ces résultats ont le potentiel de changer la pratique clinique, a-t-on indiqué par voie de communiqué, en démontrant «qu’un programme d’exercices structuré intégré au parcours de soins oncologiques réduit le risque de récidive et d’apparition de nouveaux cancers».
«C'est vraiment intéressant parce que ça montre qu'on peut faire quelque chose pour les patients qui sont atteints d'un cancer», a commenté le docteur Franco Carli, le fondateur du programme périopératoire à l’Hôpital général de Montréal et une sommité internationale en matière de récupération postopératoire.
L’essai international codirigé par le professeur Kerry Courneya, de l'Université de l'Alberta, et par le docteur Chris Booth, de l'Université Queen's en Ontario, s'est échelonné sur dix-sept ans. Quelque 890 personnes qui avaient reçu un diagnostic et des traitements contre un cancer colorectal – notamment une chirurgie et de la chimiothérapie – ont reçu un programme d’exercices structurés de trois ans ou du matériel éducatif standard sur la santé.
On a demandé aux membres du deuxième groupe d'ajouter 2,5 heures d’exercice par semaine à leur programme d’activités régulières en choisissant eux-mêmes leur activité physique d’intensité modérée (comme la marche ou le pickleball).
En revanche, les membres du premier groupe ont été encadrés, accompagnés et encouragés pendant les trois années de leur programme structuré. Cela leur a permis d'ajouter l'équivalent de 45 à 60 minutes de marche vive, ou l'équivalent de 25 à 30 minutes de jogging, trois ou quatre fois par semaine.
«C'est aussi une étude comportementale parce que certains patients ont reçu un soutien constant, a fait remarquer le docteur Carli, qui est également chercheur à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. On est tous enthousiastes au début, mais la vérité c'est qu'après deux ou trois mois, ça devient plus difficile de continuer.»
Le groupe qui a reçu des conseils a aussi augmenté son niveau d'activité physique et il en a retiré des bénéfices, «mais l'autre groupe a fait quelque chose de plus intense», a-t-il ajouté.
Les résultats sont éloquents: le groupe ayant participé au programme d’exercices a présenté un risque de récidive et de cancer secondaire inférieur de 28 % (notamment au niveau du foie, du sein, de la prostate et du côlon), en plus d’un risque de mortalité inférieur de 37 %.
«(Les auteurs) ont étudié des patients qui étaient quand même en bonne santé au début de l'étude, a fait remarquer le docteur Carli. Mais si on prend des gens moins en forme et plus sédentaires, (...) il y a un potentiel énorme d'amélioration de la capacité fonctionnelle.»
Les auteurs de l'étude expliquent que l'exercice physique «peut constituer un traitement efficace contre les micrométastases du cancer du côlon et prévenir l'apparition de seconds cancers primaires grâce à divers mécanismes», notamment le renforcement de la surveillance immunitaire, la réduction de l'inflammation, l'amélioration de la sensibilité à l'insuline et la modification du micro-environnement des principaux sites de métastases.
En particulier, ajoutent-ils, «l'exercice physique peut avoir un effet sur les facteurs de croissance métaboliques tels que l'insuline et les facteurs de croissance analogues à l'insuline qui favorisent la prolifération et la progression des cellules cancéreuses».
Le problème, a souligné le docteur Carli, n'est pas d'encourager les patients à bouger, ni même de les convaincre de bouger: le problème est sur le plan de la persévérance.
Reste donc à voir à quel point les méthodes utilisées dans cette étude pourraient être généralisées puisqu'un programme structuré, par sa définition même, implique un accompagnement de tous les instants, avec tous les coûts que cela entraîne, même s'il faut aussi mettre dans la balance les économies que réaliserait le système de santé en ayant moins de patients à soigner.
«Peut-être que ça coûterait moins cher si on pouvait le faire à distance à la maison, avec Zoom ou même avec l'intelligence artificielle, a dit le docteur Carli. Mais c'est clair qu'il y aurait un bénéfice social et que les gens les plus à risque sont ceux qui pourraient en profiter le plus.»
Le cancer colorectal est la deuxième cause de décès par cancer au Canada. L’an dernier, on estime que quelque 25 000 personnes au pays ont reçu un diagnostic du cancer colorectal et que 9400 personnes en sont décédées, selon des données de la SCC.
Les résultats de cette étude ont été dévoilés plus tôt cette semaine lors de la conférence annuelle de l’American Society of Clinical Oncology, en plus d'être publiés par le NEJM.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne