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Une molécule extraite du bouleau pourrait bloquer le VIH, l'Ebola et la dengue

durée 06h00
3 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Deux molécules qu'on retrouve dans différentes plantes, dont une extraite du bouleau, pourraient empêcher des virus aussi redoutables que le VIH, l'Ebola et la fièvre dengue d'infecter l'organisme, démontrent des travaux réalisés au Québec.

Cela pourrait un jour mener au développement de traitements prophylactiques antiviraux à large spectre qui seraient administrés aux populations à risque d'être infectées.

«Ces molécules-là s'attachent à un récepteur sur les cellules du système immunitaire et vont bloquer la voie d'entrée du VIH, mais c'est une voie d'entrée qui est également utilisée par le virus Ebola, par le SRAS-CoV-2 et par le virus de la dengue, a résumé le professeur Charles Gauthier, de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS). C'est vraiment un récepteur principal.»

Le professeur Gauthier et ses collègues se sont intéressés à l'acide bétulinique, qu'on retrouve notamment dans l'écorce du bouleau et dans le champignon Chaga, et à l'acide échinocystique, qui a été trouvé dans le tournesol et d'autres plantes.

Les scientifiques ont utilisé une méthodologie unique pour modifier ces molécules en y ajoutant un sucre, le Lewis X, ce qui a donné naissance à de nouveaux composés chimériques qui n'avaient jamais auparavant été décrits dans la littérature scientifique, les «saponines».

Ces composés présentent plusieurs avantages par rapport aux molécules originales, notamment d'être beaucoup plus solubles dans l'eau; de se dissoudre relativement facilement dans des milieux biologiques; et, ce qui est loin d'être anodin, d'être sans danger pour les cellules humaines.

«Nos résultats suggèrent que ces saponines sont prometteuses pour prévenir les premiers stades de l'infection par le VIH-1 tout en étant relativement non toxiques in vivo», écrivent ainsi les auteurs.

Une autre propriété intéressante des saponines réside dans leur capacité à former spontanément des structures appelées «micelles» ou à s’intégrer à des structures ― les liposomes ― qui transportent des substances à travers l'organisme. Cela pourrait permettre, dans des travaux futurs, d'améliorer encore davantage leur efficacité contre le VIH, notamment en facilitant leur ciblage vers les cellules touchées par le virus.

De plus, ajoutent les chercheurs, comme les saponines interfèrent avec une voie que plusieurs agents infectieux, et non seulement le VIH, utilisent pour infiltrer les cellules humaines, ils étudient «actuellement l'activité inhibitrice des saponines (...) contre d'autres agents pathogènes», comme la fièvre hémorragique Ebola, la fièvre dengue et même le SARS-CoV-2.

Les propriétés antivirales de l'acide bétulinique sont connues depuis longtemps, mais son utilisation était limitée par le fait que la molécule est essentiellement impossible à dissoudre dans l'eau, ce qui rend son administration difficile en médecine.

Les travaux du professeur Gauthier et de ses collègues pourraient permettre de surmonter cet obstacle. Et puisqu'on retrouve de l'acide bétulinique en grande quantité dans l'écorce de bouleau, on pourrait envisager une nouvelle valorisation de ce résidu courant de l'industrie forestière.

«On ne sait pas quoi faire de ces écorces-là, a dit le professeur Gauthier, qui est également membre de l’Unité mixte de recherche INRS-UQAC en santé durable. On en fait des panneaux, on les fait brûler... Donc, on pourrait utiliser des résidus d'écorces, isoler ces molécules, ajouter le sucre de type Lewis (...) et générer ces molécules qui pourraient prévenir l'apparition du virus du sida.»

Ces travaux pourraient ne représenter que la pointe de l'iceberg, a ajouté le professeur Gauthier, puisqu'il y a des raisons de croire que l'ajout du sucre de type Lewis X à d'autres molécules qu'on retrouve dans la nature pourrait mener au développement d'encore plus de produits aux propriétés intéressantes, comme des adjuvants vaccinaux.

Tout ça met en lumière la richesse inimaginable de la nature qui nous entoure et prouve qu'elle recèle encore des surprises au potentiel révolutionnaire.

«On travaille par exemple sur des fruits (de la forêt québécoise) qui n'ont jamais été étudiés, a confié le professeur Gauthier. On étudie ça et on tombe sur des molécules qui pourraient révolutionner les traitements antibiotiques (...) mais ça, ça sera pour une prochaine publication.»

Les conclusions de ces travaux ont été publiées par la revue scientifique Chemistry – A European Journal et seront présentées sous peu dans le cadre d'un congrès scientifique en Pologne.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne