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Les médecins inc. privent le fisc de 150 millions $

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26 février 2014
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Par Carl Renaud\Agence QMI
LAVAL - 

Le nombre de médecins incorporés ne cesse de croître au Québec. Environ 44 % des 20 000 spécialistes et omnipraticiens de la province possédaient leur entreprise, le mois dernier.

Cette pratique entraîne un manque à gagner annuel d’environ 150 millions $ en recettes fiscales pour Ottawa et Québec, dont les finances sont déficitaires.

L’incorporation permet aux médecins d’épargner individuellement des milliers de dollars en impôt tous les ans sur la rémunération que leur verse l’État québécois, par l’intermédiaire de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

Le total des pertes fiscales de 150 millions $ des gouvernements a été obtenu par Argent en multipliant le nombre de médecins spécialistes et omnipraticiens incorporés par l’économie d’impôt moyenne, qu’ils peuvent obtenir en créant une compagnie.

Selon le magazine spécialisé Santé inc., un spécialiste, gagnant en moyenne 250 000 $ par an, peut réduire sa facture fiscale de 20 000 $.

Pour un omnipraticien, qui gagne en moyenne 150 000 $, l’économie est de 13 000 $.

En créant une compagnie, le médecin abandonne son statut de travailleur autonome pour devenir salarié de son entreprise. Il peut reporter de l’impôt si l’entreprise ne lui verse pas entièrement les revenus qu’elle enregistre, sous la forme d’un salaire ou de dividendes.

En plus, comme les autres professionnels, le médecin peut carrément épargner de l’impôt, en fractionnant son revenu avec sa conjointe ou ses enfants majeurs. Scinder le revenu permet de payer de l’impôt à un taux d’imposition inférieur.

«S’il peut faire du fractionnement de revenu, le médecin qui s’incorpore va réussir à économiser de l’impôt», a déclaré Jean-François Thuot, fiscaliste chez Raymond Chabot Grant Thornton.

Khadir révolté

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, qui est aussi urgentologue à l’Hôpital Pierre-Legardeur, souhaite que Québec élimine graduellement cet avantage fiscal.

«Ça me révolte de voir que mes collègues sont embarqués là-dedans massivement», a-t-il exprimé, rappelant que le Québec est lourdement endetté et qu’il peine à financer les services publics.

Les médecins ont réclamé le droit de s’incorporer, au même titre que les autres professionnels, dont les avocats, les comptables et les pharmaciens, pendant plusieurs années avant que Québec autorise l’opération en 2007.

L’incorporation a connu une forte croissance au cours des 18 derniers mois. Le nombre de médecins inc. a bondi de 35 % à 8 665.

«Pourquoi un médecin ne pourrait pas avoir le même avantage qu’un avocat ou un autre professionnel», a questionné le docteur Charles Bernard, président du Collège des médecins.

Le dirigeant a souligné que les médecins jouissent de cet avantage dans les autres provinces du Canada.

Argent a contacté le ministre des Finances et de l’Économie pour obtenir une réaction. Mais Nicolas Marceau ne pouvait pas commenter la question.

Le ministère dit d'ailleurs qu'il n'est pas en mesure de chiffrer les pertes fiscales engendrées par l'incorporation des médecins.

Une stratégie payante

Lorsqu’un médecin est incorporé, les revenus que lui versait la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) deviennent ceux de son entreprise.

La compagnie peut déduire les mêmes dépenses qu’un médecin, qui demeure travailleur autonome. Mais elle peut également déduire de son revenu imposable, le salaire qu’elle verse au médecin employé.

Un médecin, qui n’a pas besoin de l’ensemble de ses revenus pour assurer sa subsistance, peut laisser beaucoup d’argent dans les coffres de l’entreprise. «Ça arrive qu’un médecin ne dépense pas tout son argent», a confirmé le docteur Charles Bernard, président du Collège des médecins.

Le médecin inc., qui gagne150 000 $ annuellement et qui laisse 50 000 $ dans l’entreprise, aura accumulé près de 1,9 million $ après 30 ans, selon une estimation de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).

En raison de son taux d’imposition supérieur, le médecin qui demeure travailleur autonome et qui met de côté 50 000 $ par année, pourra accumuler seulement 1,1 million $ pendant la même période.

Le taux d’imposition effectif des 100 000 $ que le médecin inc. reçoit en salaire est 31,7 % (NDLR : le taux marginal atteint 47,5 % à compter de 100 000 $) mais les 50 000 $ restants sont imposés comme un revenu d’entreprise au taux de 19 %.

«La compagnie peut faire des placements et faire fructifier l’argent qui reste», a expliqué Jean-François Thuot, fiscaliste chez RCGT. M. Thuot a précisé que les revenus de placement de l’entreprise sont imposés à près de 46,6 %.

Une fois à la retraite, le médecin qui choisirait de récupérer son butin sous la forme d’un dividende annuel de 100 000 $, paierait seulement 21 100 $ d’impôt, soit un taux de 21 %.

Le taux d’imposition effectif du médecin travailleur autonome, qui reçoit ses 150 000 $, est de 37,2 % (NDLR: le taux marginal atteint 50 % à 140 000 $) tandis que les rendements de ses placements non enregistrés sont imposés à 49,97 %.

Le médecin inc. peut aussi recourir au fractionnement de revenu pendant sa vie active, en versant des dividendes à sa conjointe ou à un enfant majeur.

Seulement 1 604 $ d’impôt seront payés pour un dividende de 30 000 $ et 5 167 $ pour un dividende de 50 000 $, si le bénéficiaire n’a pas d’autres revenus.

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