Craignant la mort au Salvador: Une famille redoute la déportation

Par Christopher Nardi
Se disant victime d’extorsion et de menaces de la part d’un gang de rue au Salvador, la famille Alvarez Rivera a fui le danger en 2009 et s’est installée à Laval. Mais à l’automne 2012, les cinq membres ont appris que leur statut de réfugiés avait été refusé, les forçant à retourner dans leur pays d’origine. Une décision qui leur fait craindre pour leurs vies.
Les péripéties de Rafael Alvarez et Elsy Rivera ainsi que leurs trois filles auraient débuté le 26 novembre 2008, lorsque la mère aurait reçu un appel à son agence de voyages d’un membre de la Mara-18, un gang de rue reconnu internationalement pour sa violence.
Celui-ci lui aurait demandé des versements mensuels de 500 $ en échange de la «sécurité» de sa famille.
N’ayant pas les moyens de payer cette somme, les deux parents se seraient tournés vers la police, qui leur aurait plutôt suggéré de négocier le montant à payer avec leurs intimidateurs.
«Le policier nous a dit que la Mara-18 ne devrait pas être un problème, et qu’elle ne faisait que parler sans agir», raconte M. Romero. «Les policiers n’ont même pas fait un rapport parce qu’ils nous ont dit de négocier avec les Mara et que les choses s’arrangeraient», continue Mme Rivera.
Entente avec des criminels
À la suite de ces suggestions, les deux parents auraient réussi à s’entendre avec la Mara afin de remplacer la somme de 500 $ par trois versements 50 $, qui serviraient à recharger des comptes cellulaires.
Mais cette entente ne fit pas long feu, car les Mara auraient rapidement recommencé à harceler tous les membres de la famille, cette fois par téléphone et en personne.
«Le dernier appel que nous avons reçu [en mars 2009] était le plus épeurant, car la personne nous a dit que si on ne payait pas 5 000 $ tout de suite, un membre de la famille allait bientôt mourir», dit le père.
Angoissés et inquiets pour la sécurité de leurs trois filles, les parents ont décidé de se réfugier au Canada, où ils ont beaucoup de parenté.
Témoignage peu crédible
C’est au moment de témoigner devant la Commission de l’immigration que l’histoire de la famille Alvarez Rivera s’est assombrie. Suivant les recommandations d’un avocat, les parents auraient coupé certains éléments de leurs témoignages écrits par souci de brièveté.
Ceci aurait occasionné des problèmes aux yeux de la commissaire Renée Bourque, qui y aurait conséquemment relevé plusieurs omissions lors du témoignage verbal, concluant qu’il y avait médisance et un manque de crédibilité dans leur dossier.
«Le tribunal conclut que les [parents] n’ont pas établi qu’il existe une “possibilité sérieuse” qu’ils soient persécutés, explique la commissaire dans son avis de décision.
[Dû à des omissions et des contradictions, la famille] n’a pas réussi à démontrer […] qu’advenant leur retour au El Salvador, ils seraient personnellement exposés à un risque de torture ou à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.»
Compte tenu du verdict de la commission, les parents n’ont pu s’empêcher de douter des conseils de leur avocat.
«L’avocat ne nous a pas aidés, explique Mme Rivera. Il ne nous a pas donné de bons conseils lorsqu’on préparait notre témoignage. Mme Bourque a mentionné qu’il y avait beaucoup d’omissions lors de notre comparution, mais c’est à cause des conseils de l’avocat.»
Quelques mois plus tard, en octobre 2011, la Cour a rendu son jugement : elle ne reconnaît pas à la famille la qualité de réfugiés comme stipulé dans la convention de Genève.
Par conséquent, la demande d’asile a été rejetée et la famille devra être expulsée du Canada.
La famille a porté la décision en appel, mais la demande a été rejetée et, durant l’automne 2012, un ordre d’expulsion officiel a été donné : la famille Alvarez Rivera devra quitter le Canada d’ici la fin juin 2013.
Plus de sécurité
Déçus de la décision de la Cour, tous les membres de la famille redoutent une rentrée au Salvador, sachant qu’ils ont une dette impayée envers les Mara-18.
«C’est difficile de penser à retourner au El Salvador, parce que c’est comme si on ne pouvait plus offrir la sécurité à nos trois filles, déplore la mère de famille. Si nous retournons, c’est comme si nous avions une dette qui est impayée et ce n’est pas moi qui vais payer pour. Ils vont prendre quelqu’un de mon entourage, un proche.»
«Si nous ne pouvons pas nous mettre en sécurité, c’est certain qu’il y aura un mort dans la famille», continue le père.
Une lettre de menaces reçue par le frère de Mme Rivera en 2011, dans laquelle la Mara demande 2 000 $ le soir même du dépôt de la lettre, ajoute foi aux craintes de la famille salvadorienne. Dans cette missive, le gang de rue menace explicitement la famille du frère, nommant directement sa femme et ses trois enfants ainsi que sa mère, en rajoutant : «Nous ne te donnerons pas la possibilité d’échapper cette fois-ci, tout comme ta sœur [Elsy Rivera] et son mari ont fait.»