Les dommages collatéraux du jeu compulsif

Par Christopher Nardi
«Je n’ai pas mérité ça, moi. Je n’ai rien mérité de tout ça, dit Gina à L’Écho de Laval, les larmes aux yeux. Le problème avec le jeu n’est pas seulement l’argent flaubé, mais tout ce qui s’en suit.»
Âgée de 67 ans, Gina vit avec des troubles de santé envahissants.
Elle a une plaque et sept vis de métal dans son bras gauche qui lui causent régulièrement une douleur aigüe, se promène avec une canne et souffre de troubles de mémoire chroniques.
Mais plutôt que d’être causés par le vieillissement, ses maux découlent de la violence conjugale subie aux mains de son mari, il y a près de deux ans.
L’homme était un joueur compulsif complètement fauché; Gina avait une pension de retraite qu’elle a refusé de lui donner. Insatisfait par la réponse, il en est alors venu aux poings.
«Ensuite, ce que je me rappelle est que j’étais étendue à terre avec le bras tordu pendant qu’il me lançait des menaces. Et là, j’ai vu mon heure arriver», raconte Gina.
Vice caché
La dame est la preuve vivante que les conséquences du jeu compulsif se limitent rarement à une personne. Par contre, contrairement à plusieurs autres types de dépendance, un problème de jeu peut durer longtemps avant d’être découvert.
«Lorsque mon mari m’a révélé que ça faisait 20 ans qu’il jouait, je ne le croyais pas, raconte-t-elle. Lorsqu’il travaillait, il partait et revenait toujours aux mêmes heures. Alors, quand je lui ai demandé à quel moment il pouvait jouer, il m’a répondu que je ne m’en étais jamais aperçue parce qu’il faisait des échanges de pauses additionnelles avec ses employés pour pouvoir se libérer.»
C’est à ce moment que la femme a dressé un constat triste et réaliste de la situation.
«J’ai réalisé que durant toutes les années où il me disait qu’il n’avait pas un sou, c’était dans le jeu qu’il flambait tout notre argent. Pas dans la maison, dans les assurances, comme il le prétendait, mais dans le jeu. Étant donné que je n’avais pas accès aux comptes de banque, alors je n’en avais aucune idée.»
Vivre dans la peur
La violence et l’abus font partie du quotidien des proches liés à des joueurs compulsifs. Manipulés, ces gens deviennent de plus en plus isolés de leur entourage, avant de réaliser un jour qu’ils ont perdu tout contact avec leurs proches.
«J’ai réalisé pendant que j’étais à l’hôpital que j’ai perdu tous mes amis et ma famille, explique GIna. Pendant les deux mois et demi que j’y étais, mes deux fils ne sont jamais venus me voir et ma fille est venue seulement quatre fois. Je n’ai presque pas d’amis qui sont venus non plus.»
Depuis l’agression, la Lavalloise demeure dépendante de son mari, qui doit passer au moins une fois par semaine afin de l’aider à faire son épicerie et ses commissions pour la semaine. Il continue à payer pour la maison dans laquelle elle demeure, mais elle redoute le moment où il décidera d’arrêter les paiements.
«Il me dit que la maison lui coûte cher, qu’il va arrêter de payer un jour et que je vais me retrouver dans la rue. Ça me terrifie et je n’ai plus personne d’autre pour m’aider. Il m’a isolée au fil des 48 ans de mariage et c’est maintenant que je le remarque et j’en subis les conséquences. Je n’ai rien mérité de tout ça.»