Le flux du pipeline d'Enbridge sera inversé vers Montréal

Par Michel Munger / Agence QMI
Le flux de la canalisation 9B du pipeline d'Enbridge sera inversé pour faire couler le pétrole de l'Ouest canadien vers Montréal. Il s'agit de la deuxième inversion de son histoire, et elle est assortie de 30 conditions.
L'Office national de l'énergie a rendu sa décision jeudi, indiquant que la pétrolière aura le droit de relier North Westover, en Ontario, à Montréal et d'augmenter la capacité de transport de 240 000 à 300 000 barils par jour. Les raffineries québécoises seront ainsi desservies avec du pétrole brut lourd canadien.
L'Office estime que de nombreuses questions valables ont été soulevées durant les audiences publiques, et Enbridge s’est fait imposer une série de conditions.
La compagnie devra notamment vérifier l'intégrité de son pipeline. «Enbridge doit corriger toutes les anomalies présentes dans les tronçons du pipeline entre Sarnia et Montréal», lit-on dans la décision.
L'Office national de l'énergie s'inquiète en effet qu'un déversement de pétrole pollue un cours d'eau. Il oblige donc Enbridge «à déposer un cadre d’intervention en cas d’urgence environnementale».
La pétrolière devra aussi produire des plans 60 jours avant que la mise en service du pipeline ne soit autorisée. Elle devra prendre des engagements «clairs et non ambigus».
L'argument économique a quant à lui été bien reçu. «L’Office est convaincu, affirme la décision, que le projet aurait des retombées favorables sur le plan de l’emploi et de l’économie en raison des perspectives de contrats de construction».
Al Monaco, PDG d'Enbridge, a repris son plaidoyer économique dans un communiqué. «Pour le Québec, acheminer un nouveau approvisionnement en pétrole, plus fiable et à prix concurrentiel, pour répondre aux besoins des raffineries québécoises, protégera plus de 4000 emplois, soutiendra une industrie pétrochimique dynamique et renforcera l'économie.»
Le patron de la pétrolière a signalé que son équipe est en train de passer la décision et ses exigences en revue.
Joe Oliver, ministre canadien des Ressources naturelles, s'est pour sa part dit satisfait de protéger «des emplois qualifiés et de haute qualité au Québec en plus de créer des occasions de marché pour les producteurs de l'ouest du Canada».
Environmental Defence a un tout autre point de vue et ne croit pas que ces conditions seront suffisantes. L’organisme a affirmé dans un communiqué que l'historique d'Enbridge comporte «des déversements significatifs et des problèmes de sécurité. Cette approbation va permettre à 300 000 barils [par jour] de pétrole des sables bitumineux dangereux de couler à travers l'Ontario et le Québec chaque jour».
Enbridge a toutefois du pain sur la planche pour compléter son inversion, qui nécessitera plus de 600 excavations. Elle n'a pas obtenu d’exemption concernant l'autorisation de la mise en service du pipeline et devra effectuer des consultations en permanence.
Un pipeline influencé par les prix
L’inversion du flux sur 639 kilomètres du pipeline 9B d’Enbridge a été un projet des plus médiatisés dans le monde pétrolier canadien. Le renversement a été entraîné par les prix. Le pipeline 9 est une canalisation inaugurée en 1976 afin de desservir le Québec et l’Ontario avec le pétrole brut de l’Ouest canadien. Le point de départ est localisé à Sarnia, en Ontario. Une première inversion, vers l'Ouest, a été effectuée en 1998. À l'époque, les prix pour le pétrole de la mer du Nord, de l’Afrique et du Moyen-Orient devenaient plus avantageux que ceux de l'Ouest.
Un autre revirement a cependant eu lieu ces dernières années. Un écart s’est creusé entre le prix du brut nord-américain et celui des importations. Le brut de la mer du Nord, appelé Brent, s'échangeait à 107,94 $ US le baril, jeudi, sur les marchés internationaux. Le baril de WTI nord-américain changeait de main à 100,83 $. L'écart s'élève à 6,5%.
Avec cette réalité économique changeante, Enbridge a lancé le projet d'inversion en 2012. L’Office national de l’énergie a dit oui au changement pour la canalisation 9A, entre Sarnia et North Westover. Cette partie du projet découlait d'une demande de la Compagnie pétrolière Impériale, qui avait soif de pétrole des sables bitumineux de l’Ouest.
La canalisation 9B prolonge l'inversion jusqu'à Montréal. Le poste de Terrebonne et le terminal de Montréal seront desservis.
Enbridge prévoit installer de nouvelles pompes, des tuyaux et d’autres équipements d'ici la fin de l'année. Elle a investi 800 millions $ en 2012 et prévoit en injecter encore plus cette année.
La pétrolière de Calgary emploie 10 000 personnes en Amérique du Nord. Elle transporte 2,5 millions de barils de pétrole par jour.
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