Levée de boucliers contre les oléoducs

Par Claude-André Mayrand
Un oléoduc dans votre cour, ça vous dirait? Une protestation sous le thème «Coule pas chez nous!» est en branle au Québec pour s’opposer à la construction de l’oléoduc TransCanada et l’inversion du flux de la canalisation 9B, d’Enbridge.
Pour sensibiliser la population du Québec, une Marche des peuples a été organisée du 10 mai au 14 juin derniers.
Au cours d’un trajet de 700 km reliant Cacouna, au Bas-St-Laurent, et Kanesatake, dans les Basse-Laurentides, les organisateurs voulaient mobiliser les Québécois et envoyer le message que les boucliers sont levés pour s’opposer aux deux projets.
Le tracé hypothétique de TransCanada au Québec a servi de repère pour l’élaboration du trajet.
«On voulait faire connaître aux gens un peu plus en détail les projets d’oléoducs et des hydrocarbures au Québec, confie Jean Léger, un des organisateurs de la Marche des peuples, qui estime que les citoyens sont laissés dans le noir. Le niveau d’ignorance est très élevé.»
L’activité de sensibilisation a fait un passage à Laval le dimanche 8 juin. Seuls une soixantaine de citoyens ont répondu à l’appel.
«L’oléoduc 9B compte plusieurs kilomètres à Laval. Il est âgé de bientôt 40 ans et sa construction est faite d’acier recouvert de caoutchouc. Avec les années, l’acier s’est détérioré, l’eau se faufile et cela crée des moisissures», a expliqué M. Léger lorsque rencontré par L’Écho de Laval.
Il s’inquiète des dangers pour les sources d’eau potable, les terres agricoles et l’évaluation des terrains, entre autres.
«Enbridge s’occupe rarement de l’entretien de son oléoduc et le bilan environnemental de l’entreprise est un des pires en Amérique du nord, avec près de 800 déversements en 10 ans. Il n’y a rien de rassurant», ajoute le membre fondateur de la Coalition vigilance oléoducs.
La position de Laval encore inconnue
Lorsque Jean Léger a rencontré Stéphane Boyer le 8 juin, seul élu présent à la marche, le conseiller municipal de Duvernay-Pont-Viau lui a confié que la Ville de Laval n’avait pas encore statué sur la question du projet de TransCanada, au grand dam du militant.
«Je trouve ça un peu douteux car le projet ne date pas d’hier. Ils attendent quoi, qu’ils commencent à pelleter et à faire le tuyau? Je pense qu’on ne dit pas la vérité aux citoyens», affirme celui qui croit que la Ville devrait organiser ses propres consultations sur la question. Laval devrait s’engager, de façon ouverte, à tenir compte des doléances des citoyens et groupes environnement pour que tous puissent s’exprimer.»
En entrevue avec L’Écho, Stéphane Boyer confie que Laval se rallie à la Communauté métropolitaine de Montréal.
«La Ville a pris position de concert avec les autres villes de la CMM, qui est de permettre l’inversion de la ligne selon certains conditions, notamment la création d’un fond de prévoyance en cas de catastrophe, confie M. Boyer, qui fait une maitrise en énergies durables. Notre politique en ce qui a trait aux oléoducs reste à développer, mais nous croyons qu’agir de concert avec les autres municipalités est le moyen le plus efficace.»
Il est mitigé quant au projet d’inversion de la ligne 9B d’Enbridge.
«Ce qui est préoccupant, ce n’est pas l’inversion de l’oléoduc. Il est déjà en place et aucune expropriation ne devra être faite. C’est l’historique d’Enbridge qui est préoccupant. À chaque déversement, l’entreprise se défile de ses responsabilités», conclut-il.
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Le projet TransCanada approuvé sous peu
Selon le membre fondateur de Coalition vigilance oléoducs Jean Léger, le projet de pipeline de TransCanada devrait être déposé durant l’été.
«Suite au dépôts, les opposants pourront faire parvenir des mémoires à l’Office national de l’énergie. De notre côté, on entend faire des plaidoiries orales pour démontrer que ce projet est insensé», confie le militant qui demeure à Mirabel. Celui-ci croit que le Québec gagne peu dans ce projet, si ce n’est que des emplois temporaires bien rémunérés pour les travailleurs en région. Le pétrole qui transitera par la province sera exporté en Asie et en Europe à partir de bateaux qui accosteront à Cacouna. Il y a donc là un risque.»
Bien que le Québec reçoive probablement des redevances, le militant estime que les risques ne valent pas la chandelle, et que les dommages seraient irréversibles.
«Le bitume issu des sables est comme une mélasse visqueuse qui coule au fond de l’eau et qui ne peut être récupéré facilement, contrairement au pétrole conventionnel, qui flotte en surface et peut être siphonné.»
Une pensée pour les autochtones
De plus, le tracé de TransCanada, qui a pour objectif de transporter des hydrocarbures de l’Alberta à la raffinerie Irving, au Nouveau-Brunswick, passera sur des terres autochtones jamais cédées dans les traités ancestraux.
«C’est pour cela que nous avons terminé notre marche à Kanesatake. On tient à ce que leurs droits soient respectés», confie Jean Léger.
La Marche des peuples se voulait aussi une façon de recueillir des signatures en opposition au projet, qui ont été acheminées aux élus des trois paliers de gouvernement, ainsi qu’à TransCanada. Plus de 1 000 signatures ont été recueillies.
Après la conclusion de la Marche des peuples, les militants ont fait un voyage en autobus à Ottawa pour aller manifester leurs doléances sur la Colline parlementaire.
Plus d’une dizaine d’organismes ont uni leurs forces dans ce projet.