Est-ce qu'être jeune en politique nuit à la crédibilité? Des candidats se confient

Par Claude-André Mayrand
Bien qu’ils soient nombreux à militer en coulisse, les 18-30 ans sont de véritables oiseaux rares à l’avant-plan de la politique québécoise. Dans le cadre d’une discussion non partisane, L’Écho de Laval a rencontré les candidats Léo Bureau-Blouin, Nicolas Chatel-Launay, Jean Habel et Carlie Déjoie, respectivement âgés de 22, 23, 26 et 28 ans, pour parler de leur implication, de leur vision des jeunes en politique et de leurs ambitions.
1- Ça représente quoi pour vous d’être un jeune en politique?
Jean Habel (JH) : Ça apporte du renouveau et je pense que c’est ce qui est important. On voit qu’il y a beaucoup de jeunes qui veulent s’impliquer et on peut apporter notre diversité à l’Assemblée nationale. C’est important pour nous d’amener nos idées jeunesse, mais aussi de défendre les idées de toutes les générations.
Léo Bureau-Blouin (LBB) : Je crois aussi que c’est un défi de montrer aux autres générations ce que l’on peut apporter, car il va toujours avoir des préjugés et des questionnements au sujet de notre expérience. Il n’y a pas beaucoup de jeunes, car c’est un rythme de vie digne d’un sport extrême.
Carlie Déjoie (CD) : Je pense que ça aide à combattre le cynisme. Les jeunes sont désillusionnés et ils ne veulent pas s’impliquer. C’est important de montrer que la politique est accessible et que leurs idées peuvent être entendues.
Nicolas Chatel-Launay (NCL) : J’ajouterais que beaucoup de jeunes s’impliquent dans les organismes communautaires et dans les groupes sociaux, qui amènent des visions politiques sans être nécessairement dans un parti. Souvent, ils vont s’impliquer plus tard dans leur vie dans une formation politique.
2- Qu’est-ce qui vous a amené à faire campagne?
CD : J’avais envie de changement. Je veux faire valoir les idées que tout le monde peut être entendu et que la politique est pour tous. Aussi, il n’y a pas beaucoup de femmes, ni de minorités visibles.
JH : Souvent l’élément précurseur est l’implication dans les milieux scolaires et les organismes. Pour ma part, je me suis impliqué dans les popotes roulantes et les fonds d’aide de Laval-Ouest et suite à ces implications, je me suis demandé pourquoi je ne m’impliquerais pas davantage dans ma circonscription et comme j’habite Sainte-Rose depuis 25 ans, c’était tout naturel de me lancer en campagne.
NCL : C’est le milieu environnemental qui m’a attiré dans l’implication politique. Je suis un biologiste et un environnementaliste. À force de militer dans le milieu, je me suis dit qu’il valait mieux s’impliquer en politique et passer mes idées dans la Chambre plutôt qu’à l’extérieur.
LBB : J’ai toujours voulu concrétiser mes aspirations et ambitions en réalisations tangibles. Quand je me suis impliqué dans le milieu étudiant, plutôt que de parler du gouvernement comme de l’autre ou de eux, je me suis que ça pouvais être nous. C’est aussi le désir de faire partie des décisions plutôt que d’être un spectateur et l’engagement est le meilleur remède au cynisme.
3- Quelle est la réaction des citoyens que vous rencontrez par rapport à votre âge? Est-ce que ça nuit à votre crédibilité?
NCL : On voit des gens qui nous disent qu’on semble jeunes et on en voit qui sont très heureux de voir des jeunes en politique.
JH : C’est plus de la surprise que de la méfiance. Ils sont surpris de voir un jeune qui veut s’impliquer, mais quand je leur explique ma vision pour ma circonscription, ils comprennent le fait que je veuille m’impliquer. Je pourrais m’impliquer à l’âge de 40 ans, mais je le fais à 26 ans parce que je pense que je peux avoir un impact maintenant.
CD : J’entends souvent dire que c’est inspirant. Je vois un retour positif et les gens sont contents de voir une personne plus jeune s’impliquer.
4- Quand vous avez décidé de faire le saut, comment vos proches ont-ils réagi? Ça peut souvent être cruel le milieu politique.
CD : Mes amis étaient à la fois contents et surpris. Je n’en parlais pas vraiment avant. Ma famille, surtout ma mère, a eu une réaction plus protectrice, parce que lorsque l’on devient une figure publique, on devient une cible. Lorsqu’ils ont réalisé que c’est ce que je voulais vraiment, ils m’ont tous appuyé.
JH : Pour ma part, je me suis impliqué au niveau des instances de la Commission jeunesse du Parti libéral, donc ça n’a pas été une surprise pour mes parents de voir que je voulais m’impliquer davantage et devenir député.
NCL : Ma famille et mes amis s’y en attendaient. Dès 15 ans, je m’impliquais déjà dans le mouvement environnemental, notamment dans la protection du Bois de l’Équerre et, à 16 ans, j’ai pris ma carte de membre du parti. À 18 ans, j’étais déjà responsable de campagne à Laval et, en 2012, candidat. C’est une suite logique.
LBB : Mon entourage n’était pas trop sûr, on me demandait à quoi ça me servait. Mon père m’encourageait beaucoup et ma mère, comme pour Mme Déjoie, était plus inquiète et protectrice. C’est normal qu’ils soient plus inquiets quand on voit comment on traite durement les personnalités publiques dans les journaux, mais une fois qu’on fait le saut, nos proches nous appuient là-dedans.
5- Les élus de moins de 30 ans ont été peu nombreux dans l’histoire de la politique provinciale. Est-ce que les électeurs ont de la difficulté à faire confiance aux jeunes candidats?
NCL : Pas seulement les électeurs. Est-ce que les partis sont prêts à mettre un jeune candidat dans un comté gagnable pour leur formation? Ou bien aiment-ils mieux mettre les jeunes dans les comtés qu’ils sont sûrs de perdre? Si dans les comtés dits «sûrs» on ne place que des candidats de 50 ans et plus, il n’y aura que des députés de 50 ans et plus à l’Assemblée nationale.
CD : Je crois aussi que le taux de participation joue un rôle. Est-ce que la population qui vote est représentative de celle qui ne vote pas? La réponse est non, assurément. Si on peut aller chercher plus de jeunes grâce à de jeunes candidats, ça ferait une différence au Salon bleu.
LBB : Si on regarde tous les candidats de moins de 30 ans au Québec, il n’y en pas beaucoup dans des circonscriptions clés pour les partis. C’est la même chose pour les femmes. Il y a quand même eu des progrès importants faits dans les dernières années.
6- Qu’est-ce que les jeunes candidats peuvent amener de plus à la vie politique que les candidats plus âgés?
LBB : On est plus au fait des préoccupations de cette génération là et ça force aussi les formations politiques à s’intéresser aux enjeux intergénérationnels. Aussi, avoir une relève est important pour la pérennité du parti.
NCL : Je crois aussi que ça va plus loin que les jeunes. Si le monde politique était plus représentatif de tous les groupes de la société, il y a plus de préoccupations de ces groupes qui se rendraient à l’Assemblée nationale. Je parle des femmes, des minorités visibles, des handicapés. Actuellement, ce n’est pas le cas.
CD : On permet un contact avec une population délaissée. Les jeunes ne se sentent plus concernés par la politique actuelle et les politiciens de carrière plus âgés se préoccupent moins des jeunes.
JH : Comme je le disais, on apporte du renouveau. Les Commissions jeunesses sont des incubateurs d’idées et ça permet de faire des propositions pour faire changer les choses au sein des instances du parti.
7- Est-ce que la jeunesse en politique devrait être perçue comme un avantage ou un désavantage?
JH : Je me considère comme un vieux jeune. J’ai un baccalauréat en administration des affaires et une expérience professionnelle de comptable et je crois avoir une bonne balise pour prendre soin des gens de Sainte-Rose. Ça rassure les citoyens qu’on rencontre.
CD : Le désavantage, c’est l’apparence. Au début, on doit briser l’apparence qu’on a l’air jeune. Je travaille comme ergothérapeute, j’ai une maitrise et un titre professionnel. Une fois qu’on discute, la crédibilité s’acquiert et ça représente un beau défi en tant que jeune candidate.
NCL : Pour ceux qui disent que c’est un désavantage d’être jeune à cause du manque d’expérience, on pourrait simplement répondre qu’un député, quel que soit son âge, ne peut pas avoir de l’expérience et des connaissances dans tout. Dans beaucoup de domaines, il doit se baser sur son entourage et sur les propositions de ses citoyens. Oui nous sommes jeunes, mais même à 70 ans, on peut manquer d’expérience pour être politicien.
LBB : La jeunesse est une force pour les électeurs. Ils sont souvent contents de voir qu’on s’implique et qu’une nouvelle génération prend sa place dans la société. Même si le manque d’expérience est parfois un défi, c’est largement comblé par l’espoir que suscite de voir une relève s’impliquer en politique.
8- Avant l’élection, est-ce que vous craigniez d’être stigmatisé par votre campagne, alors que vous débutez à peine votre carrière professionnelle?
LBB : C’est un des éléments difficiles de la politique. La politique vient avec de belles possibilités de faire changer les choses, mais ça marque au fer rouge. Il faut être capable de sa bâtir une crédibilité au-delà de la formation politique à laquelle on appartient pour imposer un respect dans le domaine où on veut travailler. Il y a plusieurs exemples de gens qui ont réussi leur carrière même après leur carrière politique et à avoir des opinions respectées.
NCL : Moi c’est le contraire. Je pense qu’un scientifique ne doit pas seulement être dans son laboratoire à chercher la vérité, mais il doit s’assurer que ses connaissances influent les politiques publiques. Oui, être scientifique est important pour moi et ce sera ma carrière, mais à quoi sert de découvrir quelque chose si ça ne sort pas du laboratoire?
CD : J’essaie de dissocier ma profession de mon implication politique. Je tiens à les garder séparés pour qu’un n’empiète pas sur l’autre. C’est un risque, mais je ne pense pas que ça affectera ma carrière à ce point-ci.
9- Qu’est-ce qui pourrait attirer davantage les jeunes dans la politique active?
LBB : Ça passe par l’engagement en général. Rares sont ceux qui se lèvent un matin en se disant qu’ils vont déposer leur candidature pour être député. Faut rentrer dans l’engrenage de l’engagement et plus il y aura de jeunes qui s’engagent à différents niveaux, plus les partis vont leur faire confiance aussi.
CD : C’est difficile sur le terrain de recruter des jeunes. Les commissions jeunesses font de grands efforts, mais les études et le travail demande déjà beaucoup de temps. Il faut comprendre que juste un peu de temps dans l’implication peut être suffisant. Il y a aussi le volet scolaire. Si on enseignait aux jeunes des notions politiques et qu’on vivait un éveil à la politique à l’école, leur intérêt et leur désir d’implication serait rehaussé.
NCL : C’est vrai qu’il y a un manque de connaissances. Aussi, beaucoup de jeunes pensent que les partis ne veulent pas les écouter, alors c’est aux partis de se montrer à l’écoute et qu’ils sont prêts à appuyer et défendre les propositions intéressantes.
JH : Je crois de mon côté que ça passe par le parti. Au PLQ, on donne une grande part de votation interne aux jeunes. On a une décision à prendre et on a un poids. Il faut favoriser l’implication et la participation citoyenne et des programmes comme Électeurs en herbe peuvent les intéresser à la politique et aussi les inciter à voter lors des scrutins.
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.