Victime de la CSST : il se bat depuis 20 ans
C'est en épluchant ses documents que Richard Ladouceur a trouvé des irrégularités dans son dossier.

Par Cédérick Caron
Richard Ladouceur tente de faire respecter ses droits devant la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), après qu’il ait découvert des irrégularités dans son dossier plus de 20 ans après son premier accident.
«C’est de la fraude! En plus d’avoir barré des notes dans mon résumé de dossier avant de comparaître devant la Commission des lésions professionnelles (CLP), ils m’ont caché des documents dont j’aurais eu besoin pour me défendre», clame Richard Ladouceur.
Victime d’un accident de travail en 1989 et de trois rechutes, soit une en 1990 et deux en 1991, il tente tant bien que mal de lutter contre la CSST. Toute la réclamation de M. Ladouceur est au sujet d’une hernie discale aux vertèbres L5-S1. Selon lui, il a été mal dirigé par la CSST, parce que cette dernière a ouvert un second dossier pour l’incident de 1990 avant de classer les rechutes de 1991 dans le même dossier que l’accident de travail de 1989.
Mal outillé
M. Ladouceur a tenté de faire valoir ses droits, mais juge qu’à chaque fois, la CSST lui a mis des bâtons dans les roues. En comparant le dossier demandé par son employeur, celui demandé par son avocat de l’époque, ainsi que les deux qu’il a demandés à différentes époques, ils contiennent des documents qui diffèrent et qui se contredisent. À titre d’exemple, le résumé de dossier transmis à l’employeur relate les quatre incapacités à travailler alors que le résumé envoyé à M. Ladouceur traite de l’accident de 1989 ainsi que des deux rechutes de 1991.
Sur le résumé demandé par le travailleur, on peut même lire le commentaire suivant entre parenthèses à côté de la première rechute de 1991 : «...plus de 2 ans après l’évènement!!!».
«Ce seul commentaire faisait grimacer les avocats à qui je présentais mon dossier. Ça minait ma crédibilité» raconte M. Ladouceur.
Le commentaire a par la suite été partiellement caviardé par la CSST après que M. Ladouceur leur ait fait part de cet élément.
Questionné à quelques reprises au printemps et à l’automne derniers, la porte-parole du bureau régional de la CSST, Manon Galipeau, avait expliqué à L’Écho de Laval, que lors de l’accident de 1990, M. Ladouceur avait rempli un formulaire de nouvel accident et que même si son médecin qualifiait le tout de rechute, c’est l’opinion du travailleur qui primait sur l’avis médical.
Toutefois, lorsqu’on épluche les différents dossiers de M. Ladouceur, on s’aperçoit que dans le formulaire remis à la CSST, il a rempli le champ qui demande la date de l’évènement initial et la date de la rechute. Il a aussi expliqué que la douleur est réapparue et inscrit le numéro de son dossier initial. Le dossier médical du travailleur rédigé par son médecin traitant, le Dr Alain Côté, a qualifié l’incident de 1990 de «rechute».
Mal redirigé
Un mois après sa demande, concernant sa deuxième blessure, la CSST lui a indiqué qu’elle acceptait cette réclamation comme étant une lésion professionnelle. Dans les quatre demandes de dossier faites au fil des années, ce document n’a jamais été transmis à M. Ladouceur.
Le Dr Richard Lambert de l’Institut de physiatrie du Québec a laissé sous-entendre que la CSST aurait aussi mal aiguillé M. Ladouceur. On peut lire dans un rapport datant de 2008 : «Nous avions déjà traité le travailleur en 1992-1993 pour un accident de travail de 1989… Nous avions suggéré une réorientation, mais le patient avait été redirigé vers son ancien emploi. Il a donc eu une rechute rapide et une augmentation de ses douleurs».
M. Ladouceur a retrouvé ce rapport dans son dossier médical du CLSC. Bien qu’il l’ait déposé devant la CLP, ce rapport ne figure toujours pas à son dossier de CSST. L’agent qui s’occupe de ce dernier demande toujours à M. Ladouceur une preuve que son état s’est aggravé.
Victime du système
Selon l’ancien ministre de la Justice et avocat, Marc Bellemare, le dossier de Richard Ladouceur mérite d’être investigué.
«C’est un cas de victime de la CSST. Malheureusement, après avoir été victime d’un accident de travail, des gens comme Richard Ladouceur deviennent des victimes de la CSST», explique l’avocat spécialisé en la matière en entrevue à L’Écho de Laval.
Ayant déjà fait des démarches auprès de la Cour supérieure du Québec dans un dossier où la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) lui avait caché des papiers, Me Bellemare rappelle aux victimes de ne jamais se fier aux documents et aux dossiers personnels que leur fournissent la CSST ou la SAAQ. «Curieusement, il arrive parfois que des rapports soient incomplets ou totalement manquants», soutient Me Bellemare en indiquant que M. Ladouceur a bien fait de demander d’avoir accès à son dossier médial du CLSC.
Ruiné
Il indique que M. Ladouceur pourrait maintenant songer à entreprendre un recours en responsabilité civile, mais que la barre risque d’être haute, car la loi prévoit une clause d’immunité en faveur de la CSST.
Aujourd’hui, M. Ladouceur ne peut plus travailler en raison de la douleur persistante au dos. Il vit avec sa mère et n’a plus les moyens de payer un avocat qui pourrait l’aider à se défendre. Depuis qu’il a découvert des irrégularités dans son dossier, il s’est adressé deux fois à la Commission des lésions professionnelles (CLP). Lors des deux audiences, la CSST ne s’est pas présentée. Selon la CSST, M. Ladouceur a dépassé le délai pour faire appel dans son dossier. Une décision de la CLP confirme que le délai est effectivement dépassé, mais elle a été rendue avant que les irrégularités ne soient relevées.
L’Écho de Laval a demandé une entrevue avec le directeur régional de la CSST en décembre dernier. Cette dernière a été refusée sous prétexte que la CSST ne commente pas les dossiers des travailleurs.
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