Financement illégal des partis politiques Dessau distribuait de l’argent à tour de bras pour obtenir des contrats

Par Mélanie Colleu/Agence QMI
La firme de génie-conseil Dessau arrosait illégalement le PLQ, le PQ, les Villes de Montréal, Longueuil, Laval, Blainville, Châteauguay, Saint-Jérôme et Chambly, pour obtenir des contrats de construction.
Le numéro 2 de Dessau, Rosaire Sauriol, a fait la liste des heureux bénéficiaires de dons illégaux versés par son entreprise de génie au fil des années 2000, devant la commission Charbonneau, mercredi.
Les deux grands partis provinciaux arrivent pour l'instant en tête. Dessau aurait versé près d'un million de dollars au PLQ (600 000 $) et au PQ (394 000 $) entre 1998 et 2010. M. Sauriol a même avoué que l’entreprise a certainement déboursé davantage.
Le stratagème était simple : «On avait un comptable qui était le point de chute de toutes les demandes du provincial», a expliqué l'ingénieur. Son travail était de récupérer des chèques d'employés et de les rembourser ensuite en argent comptant.
«C'est moi qui dirigeais ses opérations, avec la participation du comptable, et j'en informais mon frère (le président de Dessau, Jean-Pierre Sauriol)», a-t-il ajouté.
Rosaire Sauriol a admis que Dessau avait également contribué au financement illégal au niveau fédéral, mais sans élaborer davantage, car le procureur de la commission, Me Gallant, qui avait ouvert cette parenthèse, l’a rapidement fermée, précisant que ce n'était pas le mandat de la commission.
«Méga financement» à Montréal
À Montréal, l'argent coulait à flots pour les partis politiques, selon le témoin. Et Dessau ne versait que de l'argent liquide.
Le premier à bénéficier de la «générosité» de la firme de génie fut Vision Montréal en 1998, à l'époque du maire Pierre Bourque. Rosaire Sauriol a affirmé avoir versé «10 000 $ en argent comptant».
Puis, ce fut au tour d'Union Montréal avec l'arrivée du maire Gérald Tremblay au pouvoir, en 2001. L'ex-argentier du parti, Bernard Trépanier, aurait sollicité Dessau pour 50 000 $.
«Moi j'aurais proposé 2 $, mais on ne propose pas, on reçoit des demandes, a souri l'ingénieur. Union Montréal était une machine très structurée pour organiser des activités de financement», a-t-il ajouté.
À une époque de «mégas activités de financement» étaient organisées aux quatre coins de la Ville. «C'était des cocktails avec des centaines de personnes. On achetait une table à chaque fois, environ 10 000 $», a expliqué le témoin.
Selon lui, Dessau déboursait aux alentours de 50 000 $ chaque année dans ces cocktails.
La firme de génie-conseil versait aussi de l’argent aux arrondissements, notamment Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, Saint-Léonard ou encore Outremont. Toujours à la demande de Bernard Trépanier.
Marcil, un contact indéniable
Interpellé par cette importante somme d’argent, Me Gallant a tenté de savoir si M. Trépanier ne s'en mettait pas dans les poches au passage.
«C'est sûr que les partis se ramassaient avec plus d'argent que nécessaire», a dit Rosaire Sauriol.
Mais selon lui, ne pas contribuer aurait entraîné la perte de contrats pour Dessau. «On préférait payer pour ne pas se fermer l'accès au marché», a-t-il précisé.
D'après le témoin, l'ancien grand patron des Travaux publics à la Ville de Montréal, Robert Marcil, avait également un rôle clé dans tout se système.
«C'est clair que M. Marcil était un des points de contact de Bernard Trépanier», a-t-il avancé.
Pour être capable d'avoir la main mise sur la collusion, Bernard Trépanier devait pouvoir s'appuyer sur des membres des comités de sélection.
«Le nom de M. Marcil était souvent prononcé par M. Trépanier. Il l'appelait Robert M», a indiqué M. Sauriol.
Rappelons que tout cet argent comptant, Dessau l'obtenait en faisant de la fausse facturation. Mardi, le numéro 2 de Dessau avait reconnu que la firme avait obtenu plus de 2 millions $ en fausses factures pour faire du financement politique.
Longueuil et autres municipalités
Dessau se positionnait également sur la couronne nord et la Rive-Sud de Montréal. À Longueuil, la firme aurait versé 25 000 $ pour la campagne du maire Claude Gladu en 1998, puis 25 000 $ pour celle de Jacques Olivier en 2001. Le processus se serait répété en 2005.
À Châteauguay, entre 15 000 et 20 000 $ auraient été versés pour les deux campagnes du maire Sergio Pavone en 2001 et 2005.
À Saint-Jérôme, la firme de génie aurait contribué à hauteur d'environ 20 000 $ également pour les trois campagnes électorales du maire Marc Gascon.
Du côté de Chambly, c'est le maire Denis Lavoie qui aurait bénéficié de 5000 à 8000 $ de dons de Dessau.
Enfin, à Blainville, après un changement d'équipe municipale en 2006, Dessau a perdu tous ces contrats. «Politiquement on s'est fait sortir de la Ville, on a perdu nos contrats», a-t-il affirmé.
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