Commission Charbonneau : «Monsieur 3 %» à la barre

Par Mélanie Colleu\Agence QMI
Bernard Trépanier a dit mardi n'avoir jamais accepté d'argent de son grand ami Frank Zampino pour l'organisation de toutes ses campagnes politiques dans l'arrondissement de Saint-Léonard, car pour lui, c'était «la famille».
L'ex-argentier d'Union Montréal a fait son entrée tant attendue à la barre de la commission Charbonneau mardi après-midi. D'apparence fébrile, l'homme de 74 ans s'est raclé la gorge à plusieurs reprises avant de répondre aux questions du procureur, Me Gallant.
Lors de son témoignage, Bernard Trépanier a reconnu avoir travaillé pour le maire de Laval Gilles Vaillancourt lors de sa campagne de 1989. Là encore il n'était pas payé. «C'était juste un coup de main», a-t-il indiqué à la juge Charbonneau.
Les talents d'organisateur politique de Bernard Trépanier ont toutefois été récompensés en argent comptant au cours des années 1990, lorsqu'il s'occupait de campagnes électorales à Saint-Jérôme, Boisbriand ou encore Le Gardeur.
Il avait le titre de bénévole, mais était payé en argent comptant par le parti pour lequel il travaillait. «C'était tellement peu», a-t-il ajouté, mentionnant le remboursement de ses dépenses de gaz et de lunch.
Bernard Trépanier a expliqué qu'à cette époque, il s'agissait d'élections clef en main.
Des firmes de génie ou des entreprises en construction misaient sur un candidat en finançant sa campagne, avec la garantie d'obtenir des contrats publics en retour si leur poulain était élu.
«L'organisateur n'allait pas chercher de financement», a-t-il avancé, précisant qu'il n'avait jamais «embarqué dans le financement» avant 2004.
Les deux vies de Trépanier
Devant sa difficulté à se rappeler de certaines dates, l'homme de 74 ans a confié à la juge Charbonneau qu'il avait eu deux vies. «Une vie qui a débuté en 1979, a-t-il dit. Avant j'avais un gros problème de boisson».
Mais la présidente lui a répondu qu'il n'y avait aucun problème s'il avait toute sa mémoire après cette date, puisque le mandat de la commission ne remonte pas aussi loin.
Dessau a versé plus de 900 000 $ à Trépanier
Le procureur en chef adjoint, Me Denis Gallant, s'est particulièrement attardé mardi aux relations de Bernard Trépanier avec Dessau, à laquelle il a facturé des honoraires de 906 427,02 $ de 2002 à 2010. Alors qu'une lettre de la firme de génie-conseil datée de 2004 faisait référence à un mandat de «représentation» auprès de municipalités pour des honoraires de 500 $ l'heure, le témoin a affirmé ne pas se souvenir de cette entente.
«Je n'ai jamais fait de représentations pour Dessau dans d'autres municipalités!» s'est exclamé Bernard Trépanier.
«Nous sommes ici pour connaître la vérité. Sur une période d'environ sept ou huit ans, vous avez facturé pour plus de 900 000 $ à Dessau; ce qui fait environ 100 000 $ par année. Ce qu'on veut savoir, c'est quel travail on vous demandait de faire pour 100 000 $ par année», lui a alors demandé le procureur en chef adjoint.
Le témoin a répondu avoir été mandaté pour que Dessau puisse se «classifier» auprès d'Aéroports de Montréal (ADM) afin d'y obtenir des contrats, mais Me Gallant n'en a pas cru un mot.
«C'était seulement pour ADM?» a-t-il demandé en exhibant le résumé des factures totalisant plus de 900 000 $. «Exact! Je ne connais personne chez ADM, mais je connaissais LA personne capable de remplir la proposition», a dit Trépanier pour se justifier.
«Est-ce que ça vaut 100 000 $ par année?» a rétorqué le procureur, l'accusant d'avoir fraudé Dessau. «Regardez le chiffre d'affaires que je lui ai fait avoir! [...] Je n'ai peut-être pas grand-chose à faire, mais c'est moi qui ai ouvert la porte!»
Bernard Trépanier, qui était particulièrement nerveux cet après-midi, a refusé de rencontrer les procureurs de la commission avant de s'amener à la barre. Il poursuivra son témoignage demain matin.
Selon plusieurs ingénieurs qui ont défilé devant la commission Charbonneau, Bernard Trépanier réclamait une ristourne de 3% en argent comptant de la valeur des grands travaux d'infrastructures octroyés par la Ville de Montréal.
Il aurait aussi réclamé d'importantes sommes d'argent - jusqu'à 200 000 $ - aux firmes de génie-conseil pour la campagne électorale de 2005.
Dessau a publié le même jour une «mise au point» concernant les honoraires professionnels versés à M. Trépanier et à son entreprise, Bermax.
L’entreprise, incluant son président et chef de la direction Jean-Pierre Sauriol, dit avoir pris connaissance de ces paiements à M. Trépanier lors du témoignage de Rosaire Sauriol le 21 mars.
«Toute la direction de Dessau, à l'exception de M. Rosaire Sauriol, ignorait tout de l'existence de ces paiements, de même que de la nature des services rendus», a affirmé la compagnie dans un communiqué, ajoutant avoir pris connaissance «de l’ampleur des paiements» en faisant les recherches demandées par la Commission le 22 mars.
Rosaire Sauriol, qui occupait le poste de vice-président principal, a démissionné le 25 mars, soit le jour où les documents ont été transmis à la Commission par Dessau.
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