Commission Charbonneau : «pour nous, le boss, c'était Gilles Vaillancourt»

Par Hugo Bourgoin\Agence QMI
Après le directeur général adjoint de la Ville de Laval, c'est au tour de Gilles Théberge d'identifier l'ex-maire Gilles Vaillancourt comme étant le véritable «boss» du système de collusion qui a sévi pendant des années dans l'île Jésus.
L'ex-employé de Sintra est venu expliquer au deuxième jour de son témoignage devant la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (CEIC) les rouages de ce système.
Le témoin a ainsi raconté que c'est le directeur de l'ingénierie, Claude Deguise, qui convoquait à son bureau le gagnant d'un projet pour lui en faire l'annonce, mais que, malgré les apparences, ce n'était pas le fonctionnaire qui en faisait l'octroi.
«M. Deguise ne décidait pas qui allait avoir un contrat. Le boss décidait. Pour nous, le boss, c'était M. Vaillancourt», a-t-il dit.
Un peu plus tôt, M. Théberge avait d'ailleurs raconté la tenue d'une rencontre entre le maire Vaillancourt et lui à la fin des années 90. «Ce que j'ai compris, c'est que c'est mieux l'harmonisation que la bataille pour arriver à des fins. Si on veut vivre à Laval et y travailler, il va falloir embarquer dans le système ou sinon vendre l'usine d'asphalte et s'en aller.»
Questionné par la procureure Me Claudine Roy qui lui a demandé comment fonctionnait le système, Théberge a répondu que les entrepreneurs devaient s'entendre entre eux dans plusieurs domaines dont l'asphalte, les égouts, les trottoirs, l'aménagement paysager et les pistes cyclables.
Lors de leur rencontre avec Claude Deguise, les entrepreneurs gagnants d'un projet obtenaient du même coup la liste de leurs concurrents qui étaient venus chercher les documents d'appel d'offres pour le même contrat.
«Quand je rencontrais les gens et qu'ils acceptaient de faire une soumission de complaisance, on imprimait leur soumission à eux. J'étais sûr de gagner le projet», a expliqué le témoin. Gilles Théberge ajoutait 4 % à 5 % pour l'entreprise qui devait terminer deuxième, 6 % pour la troisième et ainsi de suite.
L'ex-employé de Sintra a aussi confirmé que son entreprise remettait 2 % de la valeur des contrats obtenus en argent comptant à Roger Desbois et à Marc Gendron. Le témoin estime lui-même avoir remis plus de 1,2 million $ aux deux hommes entre 1996 et 2010.
«Je suis à peu près sûr que tous les entrepreneurs payaient leur 2 %. Tout le monde payait pour une simple raison: le maire s'informait à savoir si les entrepreneurs étaient à jour dans leurs montants à verser.»
Alors qu'il a dit ignorer comment Sintra obtenait l'argent pour payer sa part, Gilles Théberge a été en mesure de confirmer que Valmont-Nadon utilisait un stratagème de fausse facturation pour dégager de l'argent comptant.
«Honnêtement, je n'ai jamais su où allait l'argent», a toutefois affirmé le sexagénaire, confirmant toutefois que la rumeur courait que la ristourne était versée au PRO des Lavallois.
Il a aussi été possible d'apprendre que, tout comme plusieurs autres entrepreneurs en construction, Sintra ne lésinait pas et n'hésitait pas à délier les cordons de la bourse lorsque venait le temps de remercier des fonctionnaires de municipalités pour leurs précieux services.
À Laval, c'est le directeur de l'ingénierie Claude Deguise qui aurait été généreusement récompensé. Le témoin a affirmé avoir remis au fonctionnaire des chèques-cadeaux d'une valeur totale de 800 $ pour le remercier de lui avoir remis les plans d'exécution pour un projet.
Sinon, Gilles Théberge a confirmé que Sintra déboursait environ 10 000 $ annuellement pour l'achat de bouteilles de vin qui étaient livrées au domicile des fonctionnaires à l'approche des Fêtes. «On en donnait un peu à tout le monde», a-t-il avoué.
L'entreprise louait également une loge pour assister à des matchs de hockey une ou deux fois par année. «On faisait l'invitation, on servait un buffet et ça comprenait tout. Il y avait des gens du ministère des Transports, des gens de la Ville (Gilles Vézina et Luc Leclerc). C'était un remerciement si on veut.»
Gilles Théberge doit reprendre son témoignage mardi matin.
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