Commission Charbonneau : un entrepreneur honnête

Par Mélanie Colleu/Agence QMI
Oiseau rare à la barre de la commission, mercredi matin : un entrepreneur honnête n'a pas plié devant les pressions qu'il a subies pour entrer dans un système de collusion. Tenace, il a soumissionné dans les règles de l'art et a remporté, non sans mal, un projet à Laval.
«Votre témoignage a été rafraîchissant et réconfortant», l'a remercié la juge France Charbonneau avant de le laisser quitter la salle d'audience en soulignant son courage.
En effet, Pierre Allard, de la compagnie Excavation S. Allard, a «fait le choix d'aller du côté honnête», sur les précieux conseils de son père, lorsque la collusion a frappé à sa porte.
En détail, il a raconté comment en 2006, il s'était aventuré sur les plates bandes du cartel des entrepreneurs lavallois.
M. Allard travaillait sur un projet immobilier privé depuis trois ans. Pour «boucler la boucle» du chantier, il restait à prolonger des rues et raccorder des aqueducs.
Comme il s'agissait du domaine public, son client, très satisfait de lui jusqu'à présent, lui a alors proposé de soumissionner. Quatre autres firmes suggérées par la Ville de Laval ont également été invitées, dont J. Dufresne Asphalte.
«Un ami d'enfance m'a fait une mise en garde : ne sois pas surpris si on t'approche pour te dire que tu n'as rien à faire là, ou qu'on te suggère t'embarquer dans la collusion», a raconté le témoin, qui a pris à l'époque ce conseil avec «un grain de sel».
«Grain de sable dans l'engrenage»
Mais peu de temps après, Pierre Allard a reçu un appel de Patrick Lavallée, de J. Dufresne Asphalte, qui lui a expliqué les règles du jeu à Laval : «C'est chacun notre tour (…) et c'est rendu à moi d'avoir ce contrat-là. T'as pas vraiment d'affaires dans le portrait.»
Le témoin a alors compris qu'il était «le grain de sable dans l'engrenage». M. Lavallée lui a offert deux options : se retirer ou soumissionner au prix qu'il lui indiquerait.
Un peu ébranlé, Pierre Allard a estimé qu'il avait «tout à perdre» à embarquer dans ce système, à commencer par la confiance que ses clients avaient en lui.
Il a alors soumissionné et remporté le projet. Honnête jusqu'au bout, il même a décidé d'expliquer à son client la manière dont les choses s'étaient déroulées.
«Pourquoi tu penses qu'on voulait que tu sois là ?», lui a alors répondu ce dernier. Grâce à Pierre Allard, il estimait avoir gagné 100 000 à 200 000 $.
«Si je n'avais pas été là, les soumissions auraient été considérablement supérieures à l'estimé», a fini par comprendre l'entrepreneur.
Pot-de-vin de 110 $
Au cours du chantier, M. Allard a été confronté à d'autres problèmes : un col bleu de la Ville de Laval a exigé un pot-de-vin pour effectuer son travail.
«J'étais pris au dépourvu. J'ai pilé un peu sur mes principes», a admis M. Allard. Il lui a donné 50 $, mais le fonctionnaire a demandé de double. Comme il n'avait pas de change, il a dû allonger le pot-de-vin de 60 $.
Mal à l'aise avec ce qui venait de se produire, l'entrepreneur est allé se plaindre au contremaître de la Ville. «Tu as deux de tes clowns qui sont venus. Je veux avoir d'autres employés municipaux», a-t-il demandé. Et la situation ne s'est jamais reproduite.
Pierre Allard a également dû s'approvisionner chez un fournisseur bien particulier à Laval, à la demande de l'ingénieur responsable du projet. S'il n'avait pas suivi cette requête, il aurait dû refaire ses travaux.
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