Jean Bertrand égratigne tout le monde

Par Ghislain Plourde & Agence QMI
C’est une véritable bombe qui est tombée jeudi après-midi à la commission Charbonneau: la quasi-totalité des conseillers municipaux lavallois de 1996 à 2012, y compris l’actuel maire Alexandre Duplessis, ont servi de prête-nom pour financer le PRO des Lavallois, le parti de l’ancien maire Gilles Vaillancourt.
C'est le stratagème qu'est venu expliquer en détail l'ancien représentant officiel du parti, l'avocat Jean Bertrand, qui a entamé son témoignage jeudi avant-midi.
De 1995 à 2009, le notaire Jean Gauthier a remis à Me Bertrand de l'argent comptant provenant d'ingénieurs pour rembourser les conseillers municipaux et leurs proches qui avaient fait des contributions politiques au parti.
«J'ai accepté de continuer. Je n'ai pas implanté ça, j'ai maintenu ça. J'ai suivi la rivière, a dit le témoin pour se justifier tout en spécifiant qu'il était tout à fait conscient de l'illégalité de cette pratique. Je n'aimais pas ce que je faisais. C'est le côté obscur. Je le faisais parce que j'adorais faire le reste. J'ai essayé de différentes manières de l'arrêter.»
L'ancien représentant officiel a juré qu'il spécifiait aux conseillers à qui il remettait des enveloppes d'argent que cette façon de faire allait à l'encontre de la loi. À l’exception de Robert Plante, le dernier président du PRO des Lavallois, France Dubreuil et Martine Beaugrand, tous les autres élus de l’ancien parti dirigé par Gilles Vaillancourt ont servi de prêtes-noms.
Questionné à savoir si l’ex-maire Lavallois connaissait l'existence du stratagème de prête-noms au sein de son parti, Jean Bertrand a été sans équivoque: «Il n'y a pas grand-chose dont le maire Vaillancourt n'est pas au courant», a-t-il dit, ajoutant avoir lui-même discuté du sujet à deux reprises avec le chef du parti.
L’avocat, appréhendé dans le cadre du projet «Honorer», a soutenu avoir fait part de son «inconfort» face à ce stratagème dès 1997. La situation s'est reproduite après les élections de 2005. Trouvant qu'il restait beaucoup d'argent dans les coffres du parti, le représentant officiel n'a pas sollicité les conseillers pour de nouvelles contributions, mais le maire Vaillancourt aurait exigé que le stratagème reprenne de plus belle l'année suivante.
Rapidement dans son témoignage, celui qui a été arrêté lors de la rafle de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) du 9 mai dernier a nié toute malversation et a tenté de se dissocier de Gilles Vaillancourt.
«Je n'ai jamais demandé d'argent comptant à M. Vaillancourt. Je n'ai jamais donné d'argent comptant à M. Vaillancourt. Mes contacts étaient rares avec lui», a-t-il juré.
«Ce n'était pas un ami. J'ai dîné en tête à tête avec lui trois fois en 28 ans. J'organisais les événements, je le voyais là, mais je n'avais pas le temps de parler avec lui. Je n'avais pas de contact avec lui. C'était une relation d'autorité: je le vouvoyais en privé et en public.»
Jean Bertrand a aussi confié ne jamais avoir été payé pour son rôle de représentant officiel, sauf en 2009. «Pour moi c'était une activité de relations publiques et une passion. Je viens d'une famille aisée, je pouvais me permettre de jouer à la politique», a-t-il expliqué.
L’Écho de Laval a tenté d’obtenir des commentaires du cabinet du maire, mais en vain.
En fin de journée, la Ville de Laval, par la voie d'un communiqué de presse, indiquait "prendre connaissances des propos du témoin. Suite à ces allégations, nous réitérons que nous collaborons depuis les touts débuts avec les enquêteurs de la Commission. Plusieurs conseillers auront d'ailleurs l'occasion d'émettre leurs commentaires lors des prochaines audiences publiques."
Aucun autre commentaire ou entrevue sur le sujet ne sera accordé, fait savoir la Ville de Laval.
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