Un électeur obtient gain de cause dans le dossier du vote par correspondance

Par La Presse Canadienne
Un électeur québécois qui n'avait pas pu voter par correspondance lors d'une élection partielle car il était établi à l'étranger depuis plus de deux ans a obtenu gain de cause contre le gouvernement du Québec.
Bruno Gélinas-Faucher, professeur adjoint à la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick, contestait l'article 282 de la Loi électorale du Québec, qui retire le droit de vote par correspondance des citoyens québécois après plus de deux ans d'exil de la province.
Cet article a été déclaré invalide et inopérant par la Cour supérieure du Québec le 14 août dernier, après le procès qui s'est déroulé début juin.
Le gouvernement du Québec, qui devra changer la loi, a encore la possibilité de porter la cause en appel.
Dans les faits, les personnes qui quittent le Québec peuvent voter par correspondance pendant deux ans, mais par la suite, si elles veulent exercer ce droit, elles doivent revenir au Québec physiquement, un obstacle de taille, surtout pour les étudiants. Il existe des exceptions, mais très précises, notamment pour les personnes qui travaillent pour le gouvernement du Québec ou du Canada à l’extérieur de la province.
M. Gélinas-Faucher étudiait le droit international à l’université Cambridge, en Angleterre, et il s’y trouvait depuis plus de deux ans lorsqu’est survenue l’élection partielle dans Jean-Talon, en décembre 2019. Celui qui était domicilié dans cette circonscription dit n'avoir pas pu exprimer son droit de vote, car il ne pouvait se rendre physiquement sur les lieux.
Il jugeait que cela portait atteinte au droit de vote de ces électeurs ayant quitté la province, «qui sont ainsi essentiellement privés de leur droit démocratique le plus fondamental, soit celui de voter».
Le gouvernement du Québec plaidait, de son côté, qu'il s'agissait d'un encadrement du droit de vote et non une privation. Et même s'il s'agit d'une atteinte à celui-ci, Québec jugeait qu'elle se justifiait «dans le cadre d’une société libre et démocratique dans un contexte d’élections provinciales».
La Cour a toutefois statué que la limite de deux ans n'est «ni raisonnablement nécessaire pour assurer un lien suffisant entre l’électeur et le Québec et préserver l’intégrité et l’équité du système électoral québécois, ni proportionnelle aux objectifs visés».
L'article a donc été déclaré invalide et inopérant par le tribunal, et il est suspendu pour une durée de 12 mois.
«Toute disposition législative qui "entrave concrètement" la capacité d’un citoyen de participer aux élections le prive d’une possibilité réelle de voter et porte atteinte au droit de vote», peut-on lire dans le jugement.
«Imposer une limite de deux ans d’absence à la possibilité de voter par correspondance à l’étranger entraîne un effet préjudiciable déraisonnable sur la capacité des Québécois visés – soit ceux déplacés à l’étranger pour plus de deux ans – de participer au processus électoral québécois.»
La Cour demande donc au «législateur» (au gouvernement du Québec) d'adopter un nouveau régime de droit de vote «qui respecte le droit de vote des électeurs québécois». Il aura 12 mois pour le faire, et pendant ce temps, l'article 282 est suspendu.
«Cette décision a un impact important pour les dizaines de milliers d'électeurs qui quittent temporairement le Québec pour leurs études, pour leur travail, ou pour des raisons familiales ou personnelles», a réagi Bruno Gélinas-Faucher dans un communiqué.
«Dorénavant, leur droit de participer aux élections provinciales est protégé, même après deux ans d'absence.»
- Avec les informations de Pierre Saint-Arnaud
Vicky Fragasso-Marquis, La Presse Canadienne